Triplex Cet album contient trois cd qui sont chaqun des enregistrements des concerts suivant : 1. La Cigale, Juin 2001 2. Le cabaret de Montréal, Mai 2001 3. L'européen, Juin 1998 1-01. La Chauve-Souris 1-02. Bijou 1-03. Louise 1-04. Les Papillons 1-05. Un Parapluie Pour Deux 1-06. Marie-Des-Guérites 1-07. Irène 1-08. Juillet 1-09. Je T'attendais 1-10. Tchi-Tchi 2-01. Monsieur 2-02. Chez Toi 2-03. Moi Qui Me Croyais Un Saint 2-04. Je Suis Dev'nue La Bonne 2-05. Elisabeth 2-06. Dugenou 2-07. Dans Les Transports 2-08. Le Moucheron 2-09. Bella Ciao 2-10. Les Tours D'horloge 2-11. Bucéphale 3-01. La Blatte 3-02. Ma Douceur 3-03. Où Trouver Des Fleurs Un Lundi Soir Après Minuit ? 3-04. Pickpocket 3-05. L'escalier 3-06. Le Bal Des Oiseaux 3-07. Les Malheurs Du Lion -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-01. La Chauve-Souris Une chauve-souris Aimait un parapluie, Un grand parapluie noir Découpé dans la nuit, Par goût de désespoir Car tout glissait sur lui, Une chauve-souris Aimait un parapluie (bis). Elle marchait au radar, Le sommeil l'avait fuie, Elle voulait s'mettre à boire, Se jeter au fond d'un puits. Une chauve-souris Aimait un parapluie, Un grand parapluie noir Découpé dans la nuit (bis). Sans jamais s'émouvoir Pour cette chauve-souris, Le grand parapluie noir Sortait de son étui. Il prenait sous son aile Soin d'une belle de nuit Qui, boulevard Saint-Marcel, Le nourrissait de pluie. Puis le grand accessoire Se mit à voyager Dans son bel habit noir, Son habit noir de jais. Après les palabres, Pour faire un peu d'osier, Un avaleur de sabres Le mit dans son gosier (bis). A un acrobate, Servit de balancier, Un vendeur de cravates Le prit comme associé, Puis il se déplia Sur une permanente, Puis il se déplia Car il pleuvait sur Nantes (bis). Une chauve-souris Demoiselle de la nuit, Une chauve-souris, Aimait un parapluie. Elle vint chercher l'oubli Au fond d'un vieux manoir Où elle mourrait d'ennui Pendant que le parapluie Menait au Père-Lachaise Une vie de bâton d'chaise. Un jour de mauvais temps, Un jour de mauvais temps, Un brusque coup de vent lui mit les pieds devant. On le laissa pour mort Dans quelque caniveau, On le laissa pour mort Avec le bec dans l'eau (bis). En voyant son squelette Qui faisait sa toilette Parmi les détritus Et les denrées foutues, "C'est la chance qui m'sourit !" Hurla la chauve-souris, "Je le croyais perdu, Le manche est revenu (bis)". Riant comme une baleine Pleurant comme une madeleine, Une chauve-souris Aimait un parapluie. Ils allèrent se dire oui Dans l'grenier d'la mairie, Une chauve-souris Aimait un parapluie (bis). -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-02. Bijou Dans les plis des rideaux Se cachent les assassins, Mais les plis de ton corps Sont plus dangereux encore. Tu me prends par la main, Tu promène mes phalanges Et nous dérangeons les anges Endormis sur ce chemin. Tu t'assois sur mon chapeau, Tu n'écrase pas tes mégots, Tu siffles mon Cognac Et ton rire est démoniaque, Tu viens frapper un grand coup Dans ma vie de hibou Mais pour tes beaux yeux, Bijou, Mon coeur fait le Jacques. Bijou est dans la vis De l'escalier d'service, Elle vient frapper à la porte De ma vie de cloporte. Et même si elle me propose Ce que durent les roses, Je troque mon bouquin Pour le lit à baldaquin. Tu viens chez moi, tu m'enfumes, Tu m'traite de vieux légume, Tu siffles mon Cognac Et ton rire est démoniaque, Tu viens frapper un grand coup Dans ma vie de hibou Mais pour tes beaux yeux, Bijou, Mon coeur fait le Jacques. Bijou est dans la vis De l'escalier d'service, Elle vient frapper : toc, toc, toc, Dans ma vie de cloporte. Dans mon petit lit cage, Tu m'apportes des oranges Avec cette allure étrange Qui fait parler les voisins. Tu mets ton doigt sur l'oeilleton, Tu m'traites de vieux crouton, Tu siffles mon Cognac Et ton rire est démoniaque, Tu viens frapper un grand coup Dans ma vie de hibou Mais pour tes beaux yeux, Bijou, Mon coeur fait le Jacques. Et sous les couvertures, J'alterne les lectures : Un poème d'Edgar Poe Avec celui de ta peau. Cette fois je fais ma prière Et je fume la dernière Aux genoux de mon bourreau En pleurant comme un veau. Tu t'assois sur mon chapeau, Tu n'écrase pas tes mégots, Tu mets le feu à la chambre, Tout est réduit en cendres, De ma vie de hibou, Il ne reste rien du tout Mais pour tes beaux yeux, Bijou, Mon coeur fait le Jacques. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-03. Louise Tes lèvres, Louise Sont des portes d'église Où j'entre le matin Le chapeau à la main Tes lèvres, Louise Penses-tu ce qu'elles me disent ? Ou c'est du caraco, Le rubis d'un mégot Après tout peu importe Où j'allume ma clope, Aux premiers feux du jour Ou aux foudres de l'amour, Si les miennes se grisent à tes lèvres Louise Sur tes lèvres, Louise, Les miennes sont assises, Je ne décolle plus les fesses De ce banc de messe. Tes lèvres, Louise Crois-tu ce qu'elles me disent ? Ou cette basilique Est un kiosque à musique ? Après tout peu importe Où j'allume ma clope, Si ce n'est pas l'amour, Ce sont les alentours Si les miennes se grisent à tes lèvres Louise Ta lettre, Louise Est arrivé tantôt. Des tes lèvres cerise, Elles portent le sceau. Tes lèvres, Louises, Me donnent congé, Ma rage s'épuise Sur mes ongles rongés. Paris te contient Et je suis jaloux comme un chien, Je reviens gratter à ta porte. Tes lèvres sont closes, Louise, tu m'envoie sur les roses, Dis-moi quelquechose ... Rien. Louise je ne veux plus Que tu passes la nuit En bas de l'avenue, Sous un parapluie. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-04. Les Papillons Sans attendre la quille Je sors de ma coquille Désertant la caserne Qui me gouverne Pour flâner dans la rue Avec d'autre recrues Dans nos manteaux d'hiver, Papillons verts. C'est au coeur de la ville La vie civile Que nos soldes sont bues Les bourgeoises enchantées De se désargenter D'aller faire les boutiques Papillons chics... Les papillons... les papillons... Le diable nous emporte Avec les feuilles mortes Au grand bal des fantômes Papillons jaunes Ou dans quelque manège Sous les flocons de neige Angéliques et mouillants, Papillons blancs. La cigarette au bec Je poursuis ma cueillette En regardant descendre Un papillon de cendres Dans l'anonymat D'une salle de cinéma Parmi d'autre poussières En habit de lumière... Les papillons... les papillons... Dire que mes vingt ans J'les passe à tuer l'temps Sans connaître la gloire D'être un seul soir Un as de la voltige Matador de vingt piges Un coquelicot qui bouge, Papillons rouges. Moi c'est grisé d'alcool Que je prends mon envol Dans la rue vers minuit, Papillons gris La Lune les libère Et sous les réverdères Ce sont les noctambules Qui déambulent... Les papillons... les papillons... Parfois parmi le nombre On voit une ombre Qui fait parler ses yeux, Papillons bleus Mais on n'écoute rien On pense à autre chose Quand ses lèvres nous causent, Papillons roses Et parfois on la suit Sous son grand parapluie Mais son prénom nous fuit, Papillons d'nuit Et quand le lendemain Il reste sur la main L'ombre de son parfum Tout un jardin Elle est déjà loin Elle n'est plus qu'un point Et c'est le désespoir Papillons noirs... Car sur le guéridon Griffoné au crayon Il reste un papillon : "Adieu léon". Les papillons... les papillons... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-05. Un Parapluie Pour Deux J'habite au sixième Une chambre sans vue, À la semaine, La semaine ou la rue. Je laisse mes quatre murs entre eux Quand le ciel est bleu, Je prends un parapluie pour deux Quand le ciel est pluvieux. Avec toi, on n'est pas pieds nus Pour aller dans la rue. Je descends sans lumière À cause du propriétaire, Je paye au lance-pierre. Je laisse mes quatre murs entre eux Quand le ciel est bleu, Je prends un parapluie pour deux Quand le ciel est pluvieux. Avec toi, on n'est pas pieds nus Pour aller dans la rue. À tous les étages, On rencontre des gens Qui vous dévisagent Sans desserer les dents. Je descends quatre à quatre Quand le ciel est bleu, Je descends sur la rampe Quand le ciel est pluvieux Avec eux, on n'est pas pieds nus Pour aller dans la rue. Ici la brique est rousse Et les murs en sont noirs, Et les filles sont douces Sur ces fonds repoussoirs. Je laisse mes quatre murs entre eux Pour les mauvais trottoirs, Je prends un parapluie pour deux S'il commence à pleuvoir. Allez viens, on n'est pas pieds nus Pour aller dans la rue. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-06. Marie-Des-Guérites Chaque jour à la caserne, Je trace un petit bâton A la craie sur la cloison En attendant un jour de perm'. Pour pas mourrir à la tâche Dans ma vareuse pistache, Je cache mon existence Dans les lieux d'aisance. Et dans ce repli du monde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites. Au conseil de réforme J'me suis présenté en forme, En forme de grand échalas. En dépit de mes pieds plats, J'suis passé sous les drapeaux, J'suis passé sous les ciseaux, Sous la tondeuse et la toise Et le petit toit d'ardoise. Et dans ce repli du monde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites. En attendant qu'elle inspecte Mon petit établissement, Je nettoie, je désinfecte Jusqu'a l'éblouissement. Nue sur une peau de bique, Elle fait l'objet d'un tableau, L'objet d'un mosaïque Cachée derrière la chasse d'eau. Et sur ce beau brin de blonde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites. Un an à tourner en rond Dans le carré des saisons, Et dans les commodités, J'ai le temps de méditer La morale des dictons Qui fleurissent sur les murs Et dans l'esprit des grivetons Malgré l'action du bromure. Et dans ce repli du monde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites. Il paraît que Diogène Habitait dans un tonneau, Moi, mon prénom c'est Eugène, Je l'écris dans les goguenots. Parmis les dessins obcènes Qui constellent la paroi, Je fais des petites croix Pour chasser le cafard d'ébène. Et dans ce repli du monde, Ma pensée vagabonde, Avec une marguerite, J'attends Marie-des-guérites. Chaque jour à la caserne, Je trace un petit bâton A la craie sur la cloison En attendant un jour de perm'. A cause d'un obus sans gène Sur la cabane à Eugène, Ma carrière de biffin, Brutalement, a pris fin. Et sur le chemin de ronde, Mon âme vagabonde, Sous une marguerite, J'attends Marie-des-guérites. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-07. Irène Quand je bois une bière de bohème, Moi qui suis un buveur d'eau, Je vois de roses pachydermes, Mais cette fois il y a du nouveau. Quand je bois une bière de bohème, Pas le moindre éléphanteau, Je reçois mademoiselle Irène Dans le réduit de mon cerveau. Elle illumine ma lanterne, Certains prénoms sont si beaux. Je reçois mademoiselle Irène Comme une colombe dans mon chapeau. Je reçois mademoiselle Irène Dans le réduit de mon cerveau, Est-elle, cette maison de reine, Dans votre annuairedes châteaux ? Si je pouvais saisir les rênes, Détourner cette rame de métro Et prendre la fuite à Varennes Au lieu de me rendre au bureau De poste où je trie des centaines, Des milliers de colis postaux. Je confonds Rennes avec Irène Dans le réduit de mon cerveau. Parfois je m'endors sur la chaîne Et j'entends dire dans mon dos Qu'a quinze ans j'ai pas eu d'veine De m'piquer avec le fuseau. Si j'avais une fée pour marraine, Je lui demanderais ce cadeau, Me donner les lèvres d'Irène Plutôt que la brûlure d'un mégot. Et comme dans les livres d'étrennes, On s'enfuirait dans un traîneau Emmené par quatre rennes, Avec le tintement des grelots. Et quand vient la fin de la semaine, Que faire de mes jours de repos ? J'aimerais sortir avec Irène Mais comme je n'ai pas de culot, Je vais seul à la fête foraine Et j'me fais tirer les tarots Par une cartomancienne Pour savoir quel sera mon lot. Et selon cette bohémienne, Mon avenir est clair comme de l'eau, Elle voit de roses pachydermes Et une solitude sans défaut. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-08. Juillet Le ciel est si tendre Le ciel est si doux Les oiseaux chantent Le soleil est roux La brise est mourrante Le tremble s'ébroue, C'est juillet, c'est juillet Partout Oh mon amour, quelle chance Tout semblait t'attendre Et là parmi tout Tu tombes des nues, Parfaitement nue, C'est juillet, c'est juillet Partout Oh mon amour, le jour nous attend, Ces soirs d'été Durent l'éternité. Au coeur de ce champ Allons nous coucher, C'est juillet, c'est juillet Partout Avec le soir Le ciel enfile sa chemise noire, L'orage est mûr Il va pleuvoir Sur mon pays Ivre de pluie C'est juillet, c'est juillet -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-09. Je T'attendais Pour passer l'temps dans le métro J'ai acheté des cerises Je t'attendais mon amour, Je t'attendrai toujours Tu le sais Je guettais ton sourire Ton sourire, ton bonjour Je t'attendais mon amour, Je t'attendrai toujours Tu le sais J'entendrais les coups sûrs Et tout le monde autour Entendra les coups sourds De mon petit tambour, Je le sais. Aux puces de Clignancourt, Au marché aux bestiaux, Je t'attendais mon amour... Tu le sais Vendeur de roses à la sauvette, Joueur de clarinette Dans les courants d'air chaud Du métro la Muette, Je t'attendais mon amour, Je t'attendrai toujours Au fur et à mesure Des rames de velours, Tu le sais. Si tu n'arrive pas Le temps m'emportera, Je t'attendrai toujours Tu le sais Pour passer l'temps dans le métro J'ai acheté des cerises Je t'attendais mon amour, Je t'attendrai toujours Soudain c'est toi je cours Et j'avale un noyau J'ai si mal aux boyau Je casse mon tambour Au métro Père Lachaise, Au métro Père Lachaise Tu passeras fatalement Dans l'couloir où j't'attends. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 1-10. Tchi-Tchi Tu n'as que seize ans et faut voir comme Tu affoles déjà tous les hommes ! Est-ce ton oeil si doux Qui les mine ? Ou bien les rondeurs de ta poitrine Qui les rend fous ? {Refrain:} O catalinetta bella ! Tchi-tchi Ecoute l'amour t'appelle Tchi-tchi Pourquoi dire non maintenant ? Ah... ah... Faut profiter quand il est temps : Ah... ah... Plus tard quand tu seras vieille, Tchi-tchi Tu diras, baissant l'oreille, Tchi-tchi Si j'avais su dans ce temps-là... Ah... ah... O ma belle Catalinetta Malgré les jolis mots, les invites, Tu remets à demain, tu hésites... Ca c'est, en vérité, Ridicule ! Dis-toi bien, au fond, que tu recules Pour mieux sauter ! {Refrain} Pourquoi donc te montrer si rebelle ? L'amour c'est une chose éternelle ! Demande-le, crois-moi, A ta mère ; Elle l'a chanté avec ton père, Bien avant toi ! {Refrain} -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-01. Monsieur Les passants sur son chemin Soulèvent leurs galures, Le chien lui lèche les mains Sa présence rassure. Voyer cet enfant qui beugle, Par lui secouru, Et comme il aide l'aveugle A traverser la rue. Dans la paix de son jardin Il cultive ses roses; Monsieurs est un assassin Quand il est morose. Il étrangle son semblable Dans le bois d'Meudon Quand il est inconsolable, Quand il a l'bourdon. A la barbe des voisins Qui le trouve sympathique, Monsieur est un assassin, Je suis son domestique, Et je classe ce dossier Sous les églantines, Je suis un peu jardinier Je fais la cuisine. Il étrangle son prochain Quand il a le cafard, Allez hop! Dans le bassin Sous les nénuphars. Et je donne un coup de balai Sur les lieux du crime Où il ne revient jamais, Même pas pour la frime. Sans éveiller les soupçons, Aux petites heures Nous rentrons à la maison. (Je suis son chauffeur). Car sous son air anodin, C'est un lunatique, Monsieur est un assassin, Chez lui c'est chronique. Il étrangle son semblable Lorsque minuit sonne, Et moi je pousse le diable, Dans le bois d'boulogne. Le client dans une valise Avec son chapeau, Prendra le train pour Venise Et un peu de repos. Il étrangle son semblable Dans le bois d'Meudon Quand il est inconsolable Quand il a le bourdon. A la barbe des voisins Qui le trouve sympathique, Monsieur est un assassin. Je suis son domestique. Vous allez pendre monsieur, Je vais perdre ma place, Vous allez pendre monsieur, Hélas! Trois fois Hélas! Mais il fallait s'y attendre Et je prie Votre Honneur, Humblement, de me reprendre Comme serviteur, Et je classerais ce dossier Sous les églantines, Je suis un peu jardinier Et je fais la cuisine. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-02. Chez Toi C'est gentil chez toi, Et depuis un mois Que tu me reçois, Ben je m'apperçois Que c'est un peu mon toit, Que les choses me tutoient, Elles parlent de moi, Elles parlent de toi. Depuis le bahut breton Jusqu'a la commode, Me revient tout un feuilleton En dix épisodes. Sur cette vieille marquise Toute défoncée, La première nuit fut exquise, Pas moyen d'pioncer. Je voulais reprendre mon souffle, Revenir à la vie, En me traitant de pantoufle, Tu m'as poursuivi. Tu m'as rejoint sur ce pouf Plutôt mort que vif, Je n'ai pas eu le temps de dire "ouf", J'étais dans tes griffes. Ce fauteuil à grand dossier Brodé d'une rose, Fait parti des initiés, Il sait quelque chose. Nous avons notre secret, Chaise de jardin. Et ce petit tabouret Est un vieux copain. Depuis que j'ai jeté le masque D'honnête plombier, Il a supporté nos frasques, Ton pauvre sommier. Jusqu'a cette nouvelle bourrasque, Vendredi dernier, Où tu m'a laissé mou et flasque Dans ton pigeonnier. C'est gentil chez toi, Et depuis un mois Que tu me reçois, Ben je m'apperçois Que c'est un peu mon toit, Que les choses me tutoient, Elles parlent de moi, Elles parlent de toi. Mais pas assez à mon goût Car je le sent bien, Elles ne me disent pas tout Et l'envie me vient De fouiller dans tes affaires Pendant ton absence, Tant pis si je vais en enfer Où à la potence. Je soulève le matelas, J'ouvre les tiroirs, Je plonge et je fais un plat Dans l'eau du miroir. J'ouvre ton journal de bord, Quel calendrier ! Anatole, Alphonse,Hector, Je n'suis pas l'premier. J'interroge ton calepin, J'essaye tes bas, Je mélange Arsène Lupin Et Ali Baba. Et puis soudain je sursaute Comme pris en faute, Mes yeux se posent sur toi Dans un cadre en bois. Je m'allonge sur le lit, Rongé de remords, Lui aussi est démoli, Il n'a plus d'ressorts. Ca me rend neurasténique, Ces antiquités, Vaudrait mieux plier boutique Et puis tout quitter Mais c'est gentil chez toi, Et depuis un mois Que tu me reçois, Ben je m'apperçois Que c'est un peu mon toit, Que les choses me tutoient, Elles parlent de moi, Elles parlent de toi. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-03. Moi Qui Me Croyais Un Saint Moi qui me croyais un saint Il m'est apparu Que j'ai un côté malsain Donnant sur la rue. Sous mes lunettes en écaille, Je louche un p'tit peu Du côté de la canaille Timide et honteux. Et du frêle collégien, Je quitte l'emploi, Mes pas dans ceux des vauriens, En marge des lois. Moi qui me croyais un saint Il m'est apparu Que j'ai un côté malsain Donnant sur la rue. Et je troque l'auréole pour une casquette Et les fumées de l'alcool Dans une guinguette. J'vais fêter mes fiançailles Avec le milieu, Loin des beaux quartiers d'Versailles, Dans les mauvais lieux. Je vais jouer au jardin, Oui, mais quelquefois Je mets de l'eau dans mon vin, Je tourne et je bois. J'troque mes lunettes en écaille, Mes lunettes de bleu, Je deviens Jésus-la-Caille, Baron du milieu. Et les filles du collège, Hautaines autrefois, Désormais me font cortège Et jouent avec moi. Moi qui me croyais un saint Il m'est apparu Que j'ai un côté malsain Donnant sur la rue. Sous mes lunettes en écailles, Je louche un p'tit peu Du côté de la canaille Timide et honteux. Mais pour sortir du bottin, C'est moins dangereux D'être doucement cabotin, De rêver un peu. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-04. Je Suis Dev'nue La Bonne Je suis dev'nue la bonne Tout ce mal que j'me donne Pour faire partie des meubles. Jamais un bouquet de roses Comme quand j'étais ta chose, Pas l'amour qui t'aveugle. Une autre est à la mode De caractère commode Me voilà dans l'pétrin. Autant laisser ouverte Sur ma vie de plante verte La porte du jardin... Qu'un beau cambrioleur Vienne cueillir mon coeur Où tu l'as oublié. Pas d'danger que j'pleurniche Sur ma vie de potiche J'me f'rai pas supplier Pour le suivre en silence Avec le chien d'faïence Et le valet muet, Avec le bas de laine, Mon corp long et fluet Roulé dans un tapis J'aurai vite déguerpi. Je forme ce souhait Qu'un beau cambrioleur Vienne cueillir mon coeur Où tu l'as oublié. Je prendrai bien le pli De m'glisser dans son lit Et d'être le jouet D'un amour de bandit, Ca m'donnerait, comme on dit, Un petit coup de fouet Qu'un beau cambrioleur Vienne cueillir mon coeur Où tu l'as oublié... On retrouv'ra aux puces Mon buste de Vénus Posé sur un rayon, Entre une main de Fatma Et un lot d'Panamas Tombé du camion. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-05. Elisabeth Ma montre est passée sous une roue, Elle a disparu dans un trou. J'ai raté le dernier métro. Je sais, c'est une fois de trop Mais je ne suis pas un menteur, Mon amour, tu me serres le coeur. Si un mensonge s'y dissimule Que je sois transformé en mule, Fais pas la tête, Elisabeth. Il me fallait des cigarettes, Un miroir aux alouettes, Et puis j'ai acheté du fil blanc Ainsi qu'des salades et du flan. Tu vas t'imaginer des choses, Regarde, j'ai apporté des roses. Si un mensonge les intoxique Que je sois transformé en bique. Fais pas la tête, Elisabeth. On se croirait au tribunal ! Je suis en retard, point final. En retard, c'est encore trop tôt Pour la potence ou le poteau. Tu sais, je suis digne de foi, Tu peux avoir confiance en moi. Si un mensonge sort de ma bouche Que je sois transformé en mouche, Fais pas la tête, Elisabeth. Tu sais, je suis un enfant d'choeur, J'ai été élevé chez les soeurs, Si j'ai la faute au fond des yeux C'est par ce que je suis sur le feu. Je te donne ma parole de scout, Tu ne peux pas la mettre en doute. Si un mensonge sort de mon crâne Que je sois transformé en âne, Fais pas la tête, Elisabeth. C'est l'heure de passer aux aveux, Tu me croiras si tu veux, J'ai rencontré un vieux copain, D'ailleurs, je dois le voir demain. Va pas t'imaginer des trucs, Que je fabule ou que je truque Car si je mens pour le copain Que je sois changé en lapin, Fais pas la tête, Elisabeth. C'est vrai, il m'a fallu du temps, C'est vrai, il m'a fallu dix ans, C'est vrai, j'ai pas écrit souvent, Et toi, t'es rentrée au couvent, Mais t'es jolie sous la cornette, Non ce ne sont pas des sornettes. S'il en sort une de mon chapeau Que je sois changé en crapeau, Fais pas la tête, Elisabeth. Il me fallait des cigarettes, Un miroir aux alouettes, Et puis j'ai acheté du fil blanc Ainsi qu'des salades et du flan. Tu vas t'imaginer des choses, Regarde, j'ai apporté des roses. Si un mensonge les intoxique Que je sois transformé en bique. En mule, en mouche ou en chameau, En bique, en souris, en crapeau. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-06. Dugenou Dans la cour de l'école On m'appellait pot de colle, Dans la cour du bahut On m'appelait la glu, On m'appelait la sangsue, On m'appelait le morpion, Enfin bref, on m'donnait De jolis petits noms. Pour se faire un blason, Fallait s'battre dans la rue Sous les acclamations. Mais en tant qu'avorton, Vu mes dispositions pour la boxe à main nues, Me suis fait cracher d'sus Et appeler Tartempion. Mais la nuit Dans mes rêves, On m'appelait : Mon p'tit lu, Ma colombe, Mon Jésus, Mon loukoum Ou ma Fève. Dans la cour de l'immeuble Je regardais les filles, Je faisais partie des meubles, J'étais de la famille, J'était l'frère de ma soeur. Et malgré ma douceur, Quand je m'approchais d'elles, Je tenais la chandelle. Elles voulaient des boxeurs Et des déménageurs Et des maîtres nageurs Mais pas l'frère de ma soeur. Elles voulaient du robuste Et du poil au menton, Moi j'étais uin arbuste Et j'avais des boutons. Mais la nuit Dans mes rêves, Elles m'appelaient : Mon p'tit lu, Ma colombe, Mon Jésus, Mon loukoum Ou ma Fève. Dans les allées du parc On m'appelais cuisse de mouche, J'attirais les maniaques et les saintes nitouches. Et les fois peu nombreuses Où nos mains se joignaient, Ma petite amoureuse Me tordait le poignet. Mais la nuit Dans mes rêves, Elle m'appelait : Mon p'tit lu, Ma colombe, Mon Jésus, Mon loukoum Ou ma Fève. On me tape dans le dos ! On m'appelle mon vieux, On soulève son chapeau, On m'appelle monsieur, "Mon vieux" pour les intimes Et "monsieur" pour tout l'monde, Un monsieur anonyme Dont les rues sont fécondes. Mais la nuit Dans mes rêves, On m'appelait : Mon p'tit lu, Ma colombe, Mon Jésus, Mon loukoum Ou ma Fève. Quand mon cerveau est mou, On m'appelle Dugenou. Quand mon cerveau est lent, On m'appelle Dugland. Dans mon automobile, Au milieux des klaxons, Dans mon automobile On m'appelle Ducon. Mais la nuit Dans mes rêves, On m'appelait : Mon p'tit lu, Ma colombe, Mon Jésus, Mon loukoum Ou ma Fève. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-07. Dans Les Transports Moi qui fait ce trajet Les yeux fermés, Distrait par un décret Sans intérêt, J'ai raté l'arrêt. Ainsi je resterai Pendu par la main Dans les transports en commun. Je finis ma nuit Sur la barre d'appui Sauf si l'on prend mon pied Pour un vieux papier. Dans les courbes les chromes Aimantent les mains, Mes doigts meurent sous la paume De mon prochain. "Robespierre", je vais m'asseoir, "Danton","Desmoulins", Je traverse l'histoire Sur un strapontin, Une banquette de moleskine, Un banc de sardine. La foule Est mon berceau. Je me dépêche vers toi À l'heure où l'on s'écrase. Elle appuie de tout son poids, Mais la foule est courtoise. Je reçois l'accolade Des camarades. L'hiver, le froid l'est moins Dans les transports en commun. Je me rends, mains en l'air, Par le funiculaire, Vers la chaude prison De ta combinaison. Je poursuis mon rêve Dans les transports en grève Et le dernier cahot Me réveille au dépot Dans les transports en commun Les filles sont nerveuses, Les hommes ont le pied marin Et la main baladeuse. Sur la banquette Où je me jette, Je tords, le temps est long, Mon ticket de carton. Car l'allure est modeste À cause des travaux, Et mon coeur, sous ma veste, Est un moineau. Au hasard je rencontre Le cadran d'une montre... Si je te dis en plus Que j'ai raté le bus, Avec ce retard là Tu ne m'ouvriras pas. Autant faire demi-tour Et remettre l'amour. Dans le bois, je gratte Nos deux prénoms Avec la date De péremption. Dans les transports en commun... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-08. Le Moucheron Allongé sur mon pucier, Je me repose les pieds, Je me repose l'esprit, Ce moment n'a pas de prix. Un moucheron Tourne en rond, Tourne en rond Sur le plafond, Un moucheron Tourne en rond, Tourne en rond Sous le néon. Autant aller prendre un pot Pour procurer du repos A mes pieds, à mon cerveau, Oui, mais voilà qu'a nouveau Un moucheron Tourne en rond, Tourne en rond Dans mon Picon, Un moucheron Dans l'bouillon Apprend la brasse papillon. Le Picon m'a donné faim Et il faut y mettre fin, Je m'invite au restaurant. Je me plaint au chef de rang : "Un moucheron Tourne en rond, Tourne en rond Dans le cresson Un moucheron C'est pas bon, Appelez-moi la direction", Ah ... ...L'amour, Je n'ai plus qu'ce mot à la bouche Depuis que cette sale petite mouche M'a piqué dans mon sommeil, M'a piqué à l'orteil Ce moucheron Ce vol brouillon, Ce tourbillon C'est Cupidon Qui tourne en rond, Qui tourne en rond, Qui tourne en rond, Comme un flocon. Avec une joie canine, Je m'en fus chez la voisine Et le moucheron s'envola, Et voici, et voilà. Nous dansions, Nous tournions, Nous tournions Sous les lampions, Nous dansions Nous tournions Au son de l'accordéon. L'amour m'a donné des ailes Avec un peu trop de zèle, J'ai l'esprit qui papillonne Et les oreilles qui bourdonnent, Les moucherons Tournent en rond Et me couronnent Le citron, Je suis le roi des moucherons, Je tourne en rond, Je tourne en rond, Je tourne en rond... BZZzz. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-09. Bella Ciao Una mattina Mi son'svegliato O bella ciao, bella ciao Bella ciao, ciao, ciao Una mattina Mi son'svegliato E ho trovato l'invasore. O partigiano Porta mi via O bella ciao, bella ciao Bella ciao, ciao, ciao O partigiano Porta mi via Che mi sento di morire. E se io muoio Da partigiano O bella ciao, bella ciao Bella ciao, ciao, ciao E se io muoio Da partigiano Tu mi devi seppellire. Mi seppellirai Lassù in montagna O bella ciao, bella ciao Bella ciao, ciao, ciao Mi seppellirai Lassù in montagna Sotto l'ombra d'un bel fiore E la gente Che passerà O bella ciao, bella ciao Bella ciao, ciao, ciao E la gente Che passerà E dirà : "O che bel fiore". E questo il fiore Del partigiano O bella ciao, bella ciao Bella ciao, ciao, ciao E questo il fiore Del partigiano Morto per la libertà -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-10. Les Tours D'horloge Depuis ton départ, Lyon est une gare Et moi je suis resté lyonnais. Tu es sur la ligne, Moi à la consigne Avec mes pièces de monnaie. Et les tours d'horloge Me serrent la gorge, Chaque seconde me tue. Sait-on où tu loges ? Quand reviendras-tu ? Comme ces questions sont pointues. Et le long du Rhône, C'est pour yon fantôme Que je laisse pendre ma main. Maudissant ton nom Car, du cabanon, Tu me fais prendre le chemin. Et les tours d'horloge ... Et puis tu reviens Dans mon quotidien, J'apprends pas le carnet du jour Qu'aujourd'hui les cloches Célèbrent tes noces Avec un autre mon amour. Et les tours d'horloge ... Quand d'autres rencontres Dérèlent ma montre, Alors je connais le repos. Mais à chaque fois Que j'ai vent de toi, Je cavale après mon chapeau. Et les tours d'horloge ... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 2-11. Bucéphale Si ce maudit canasson Remportait cette course Ça renflouerait ma bourse Et noierait le poisson. Si ce maudit canasson Remportait cette épreuve, Peu importe qu'il pleuve, Ça sauverait la saison. Si ce vieux Bucéphale N'est pas le bon cheval, Je mange mon journal Si ce maudit canasson Gagne sur le papier, Il reste à recopier Tout ça sur le gazon. Si un autre canasson Vient mettre le désordre, Il me reste la corde, La balle ou le poison. Si ce vieux Bucéphale N'est pas le bon tuyau, Je mange mon chapeau Si ce maudit canasson Renaissait de ses cendres, Je serais l'Alexandre Du débit de boisson. Mais si un autre équidé Sort du cornet à dés, Je rend mon tablier Et je me fais oublier Si ce vieux Bucéphale Ne vaut pas un jeton, Je mange mon melon Sur ce maudit canasson, J'ai joué mon alliance Pour sauver la finance, Redorer mon blason. J'ai le coeur qui galope Et les poumons qui jonglent, Je fume clope sur clope. Et je mange mes ongles. Si ce vieux Bucéphale Ne sauve pas la mise Je mange ma chemise. Hélas le vieux Bucéphale Est coiffé d'un cheveu Par son petit-neveu (Il s'en fallait d'un poil). Ce n'est que partie remise! Si cette jument grise N'est pas le bon filon, J'avale mon pantalon. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 3-01. La Blatte Dans ma chambre d'hôtel Je souffle la chandelle J'entends un petit bruit C'est une blatte Cet hôtel est infect Pourri d'insectes Cette petite blatte-là me gène. Deux heures après minuit La blatte est endormie J'entends un petit bruit C'est une mite. Cet hôtel est infect Pourri d'insectes Cette petite mite là me gène. Longue est la nuit À fumer dans mon lit À rallumer la bougie Au moindre bruit. C'est l'auberge espagnole Toutes ces bestioles N'existent que dans ma tête. Longue est la nuit À fumer dans mon lit À rallumer la bougie Au moindre bruit. Puis au petit matin La chandelle s'éteint J'entends un petit bruit On me gratte L'araignée de ta main Fait mon examen Cette petite bête là, je l'aime ... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 3-02. Ma Douceur Ô ma douceur, Je rentre à la maison L'âme et le pantalon Débraillés. J'ai bu comme un siphon J'ai la bouche en chiffon Je reviens sans un rond, Nettoyé. Le nez en couleur Et le teint rubicond, Je rentre à reculons Au foyer Implorant ton pardon Dans une sourde oraison De hoquets, de jurons Émaillée. Ô ma douceur... Ô ma douceur Je rentre mais c'est long Et j'en crache mes poumons D'être à pied. J'ai l'hiver aux talons Et mon pauvre veston Dans son rang de boutons Veut bailler. Un fond de liqueur Et je tiens le ponpon, Je risque le plomb À brailler Et le ciel me répond Une pluis de postillons, C'est un temps de saison Vous croyez ? Ô ma douceur... En passant sur le pont Je me dis : "à quoi bon ..." Et puis : "allons, allons..." Je riais Et voilà que je pleure Comme un petit qarçon Dans les bras d'un piéton Effrayé. Il me remet d'aplomb Car cet homme est maçon Et moi, comme un pinson, Égayé Par son petit flacon Je rentre à la maison L'âme et le pantalon Débraillés Ô ma douceur... Puis le jour moribond Revient de l'horizon Pour battre les buissons les clapiers, Moi je baisse le front Comme un pilleur de troncs Je rentre à la maison Dévoyé. Ô ma douceur, J'ai peur de l'abandon Je rentre à la maison Te choyer. Ô ma douceur Ô mon doux compagnon Mon toutou de salon Je rentre à la maison Je rentre à la maison Je rentre à la maison... Ô ma douceur. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 3-03. Où Trouver Des Fleurs Un Lundi Soir Après Minuit ? Comment mon coeur, Où trouver des fleurs Un lundi soir Après minuit ? Je sors sous la flotte, T'en chercher un botte Pour égayer notre maison. Et pour effacer Tout l'mal que j't'ai fait ... Et peu importent les raisons, Comment mon coeur, Où trouver des fleurs Un lundi soir Après minuit ? Quand le coeur traverse Un petite averse, Pour égayer notre réduit, Un bouquet de roses, N'est-ce pas ce qui s'impose Un lundi soir Après minuit? Je sors sous la flotte, T'en chercher un botte Pour égayer notre masure, A l'heure où les durs Sont dans la nature, A l'heure où la rue n'est pas sure. Comment mon coeur, Où trouver des fleurs Un lundi soir Après minuit ? Quand sur le trottoir, Dans l'herbe de la nuit, S'ouvre la fleur noire d'un parapluie, Elle fume sa tige Et donne le vertige Montrant la lune au fond du puit. "Voilà mon mon coeur, Où trouver des fleurs Un lundi soir Après minuit." Et comme ce commerce Est l'seul qui s'exerce, Pour égayer notre réduit, Je rentre chez moi Les yeux cernés de lilas, Ce lundi soir Après minuit. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 3-04. Pickpocket Dans votre dos, Sans les courbettes, Je fais ma cueillette. Dans votre dos, Pour être honnête, Je suis pickpocket. Quand le métro, Dans un cahot, L'un contre l'autre nous jette, Sous votre nez, J'prends la monnaie Avec mes pincettes. Une belette Escalade mon mur, J'me croyais le coeur au sec. Mais le sucre fait taire Mon caractère de chien, Ma mauvaise tête. Dans un cahot, L'un contre l'autre nous jette, J'repars avec, Dans ma musette, Son parfum de violette. Le cheveux ras, Fait comme un rat, Au fond d'une oubliette, Je nourris mes songes Avec ce mensonge, Avec cette bluette. Je bois, je fume, J'hurle à la Lune Pour ma petite fauvette. J'hurle à la mort Quand je m'endors Sur ma cigarette. J'me rêve en ville, J'me tient tranquille, Assis sur la banquette. Sa main dans la mienne En est la gardienne, La Petite-Roquette Quand le métro, Dans un cahot, L'un contre l'autre nous jette, L'air frais me fouette, J'entends les mouettes Au dessus de nos têtes. Le cheveux ras, Fait comme un rat, Au fond d'une oubliette, Je nourris mes songes Avec ce mensonge, Avec cette bluette. Quand je m'endors, Je suis dehors Depuis belle lurette. Dans le métro, Dans votre dos, Je fais ma cueillette. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 3-05. L'escalier L'escalier tourne Dans l'immeuble où je perche, L'escalier monte Au septième où je crèche. Quand dans sa vrille Je lâche une bille, À la rembarde J'écoute sa cascade Jusqu'à la rue, Sa course tordue. Je lâche un rot Dans ses anneaux. Je sonne aux portes Et mes jambes m'emportent, L'escalier gronde Que c'est quand même un monde. J'habite au 2 rue papillon, Vous reconnaîtrez la maison. Chaque nuit, L'escalier me tourmente. Dans son puit, Montent mes eaux dormantes. Je vois des pièges Dans ses arpèges. L'escalier craque, La concierge me traque, À coups de trique J'apprends la musique : Leçon d'morale Dans la spirale Et dans la cage, Je promet d'être sage (Parole d'oiseau Derrière les barreaux). J'habite au 4 rue de la Lune, Ceci est un couplet nocturne. Chaque jour Je grandis de la sorte Qu'un beau jour, Je me baisse aux portes. Quant à l'amour, Je tourne autour Dans l'escalier, Quand elle me dit bonjour, C'est un rosier Grimpant dans une tour. Contre la rampe, Entre deux lampes Et entre ses bras, Je quitte l'âge ingrat. Sous le riz, Nous quittons la mairie. J'habite au 6 rue de la gaîté, La porte n'est jamais fermée. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 3-06. Le Bal Des Oiseaux Au printemps de ma vie Je quitte mon père La ville attend Petit rat des champs. Une jolie fermière Me dit : "où vas-tu ?" "Monte derrière Avec les laitues". Les pieds dans le ciel Chez les hirondelles Nous filons doux et la route est à nous. "Petit, la vie est belle à l'école buissonière Nous irons danser au bal des oiseaux près de la rivière Les prés sonts verts, quel âge as tu toi?" Au petit matin Nous voilà en ville J'ai déjà faim Comme un crocodile J'ai beau demander Un café au lait On n'me donne rien Même un morceau de pain La campagne se prête à tout, mais la ville pas du tout Nous irons danser au bal des oiseaux près de la rivière J'suis pas un voleur Mais comment me nourrir Je marche des heures J'sais pas où dormir A la fontaine J'ai bu de l'eau fraîche J'ai pêché l'amour Ça ne mord pas tous les jours. Mais ce jour là Il y en avait pour moi, oui La femme de ma vie avait soif elle aussi "Amour, la vie est belle dans tes bras de velours, Nous irons danser au bal des oiseaux près de la rivière Les prés sonts verts, quel âge as tu toi?" J'ai trouvé une place Au piano dans un bar Le Miami Palace Tout près de la gare Tous les samedis soirs Il y a des bagarres Je chante mes histoires Des trucs un peu noirs Amour, je rentre tard mais demain c'est dimanche, Nous irons danser au bal des oiseaux près de la rivière Près de l'eau... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 3-07. Les Malheurs Du Lion Au café, rêvait un lion Devant sa consommation. Il voit venir une abeille Vêtue d'un tailleur que raye Le noir avec le soleil, Une petite merveille. Elle grésille, elle bourdonne Avec l'accent de Narbonne Et gentiment elle butine Un diabolo grenadine. Ainsi rêvassait le lion Devant sa consommation. Il voit venier un moucheron Vêtu d'un complet marron Avec des ailes sur le tronc Et une mèche sur le front, Qui grésille, qui zézaye Avec l'accent de Marseille, Qui lui casse les oreilles Et lui arrive à l'orteil. "Hé, petit, je suis le lion. Allez, va jouer au ballon. Tu peux t'éponger le front, Avoir les jambes en coton, Ici, c'est moi le patron, C'est moi qui donne le ton. Tu zézayes, tu grésilles Et tu tournes autour des filles, Un conseil : tiens-toi tranquille Ou tu vas t'asseoir sur le grill. T'es épais comme une fourmi Et tu veux t'battre avec mi ! Allez, soit raisonnable, je suis trop fort. Si tu t'en prends à la pègre Tu finiras dans l'vinaigre, Allez, tiens-toi tranquille, sinon t'es mort." Le lion n'a rien vu venir. Le moucheron, sans prévenir, Lui a mis un coup d'saton A la pointe du menton. Il n'en revient pas, le lion, Et ce n'est qu'un échantillon, Un coup dans les testicules, "Ca c'est de la part de Jules ! J'aime pas tellement qu'on m'bouscule Quand j'me rince les mandibules." Cette histoire est une fiction. Moi, j'ai rencontré le lion. J'lui ai mis, c'est ridicule, Un coup dans les testicules, Il m'a dévoré tout cru Au beau milieu de la rue. Je grésille, je zézaye Et dans mon dos j'ai des ailes, J'ai l'éternité au ciel Grâce à mon exploit de la veille.