Le Jour Du Poisson Arrangements : Joseph Racaille (1, 3, 4, 7, 8, 11) ; Bratsch (10) ; arrangements cordes et cuivres Joseph Racaille (2, 6). 01. Bucéphale 02. Ma Douceur 03. Les Papillons 04. Que L'on Bête 05. Moi Qui Me Croyais Un Saint 06. La Blatte 07. Pickpocket 08. Bijou 09. Les Tours D'horloge 10. Où Trouver Des Fleurs Un Lundi Soir Après Minuit ? 11. Je Suis Dev'nue La Bonne -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 01. Bucéphale Si ce maudit canasson Remportait cette course Ça renflouerait ma bourse Et noierait le poisson. Si ce maudit canasson Remportait cette épreuve, Peu importe qu'il pleuve, Ça sauverait la saison. Si ce vieux Bucéphale N'est pas le bon cheval, Je mange mon journal Si ce maudit canasson Gagne sur le papier, Il reste à recopier Tout ça sur le gazon. Si un autre canasson Vient mettre le désordre, Il me reste la corde, La balle ou le poison. Si ce vieux Bucéphale N'est pas le bon tuyau, Je mange mon chapeau Si ce maudit canasson Renaissait de ses cendres, Je serais l'Alexandre Du débit de boisson. Mais si un autre équidé Sort du cornet à dés, Je rend mon tablier Et je me fais oublier Si ce vieux Bucéphale Ne vaut pas un jeton, Je mange mon melon Sur ce maudit canasson, J'ai joué mon alliance Pour sauver la finance, Redorer mon blason. J'ai le coeur qui galope Et les poumons qui jonglent, Je fume clope sur clope. Et je mange mes ongles. Si ce vieux Bucéphale Ne sauve pas la mise Je mange ma chemise. Hélas le vieux Bucéphale Est coiffé d'un cheveu Par son petit-neveu (Il s'en fallait d'un poil). Ce n'est que partie remise! Si cette jument grise N'est pas le bon filon, J'avale mon pantalon. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 02. Ma Douceur Ô ma douceur, Je rentre à la maison L'âme et le pantalon Débraillés. J'ai bu comme un siphon J'ai la bouche en chiffon Je reviens sans un rond, Nettoyé. Le nez en couleur Et le teint rubicond, Je rentre à reculons Au foyer Implorant ton pardon Dans une sourde oraison De hoquets, de jurons Émaillée. Ô ma douceur... Ô ma douceur Je rentre mais c'est long Et j'en crache mes poumons D'être à pied. J'ai l'hiver aux talons Et mon pauvre veston Dans son rang de boutons Veut bailler. Un fond de liqueur Et je tiens le ponpon, Je risque le plomb À brailler Et le ciel me répond Une pluis de postillons, C'est un temps de saison Vous croyez ? Ô ma douceur... En passant sur le pont Je me dis : "à quoi bon ..." Et puis : "allons, allons..." Je riais Et voilà que je pleure Comme un petit qarçon Dans les bras d'un piéton Effrayé. Il me remet d'aplomb Car cet homme est maçon Et moi, comme un pinson, Égayé Par son petit flacon Je rentre à la maison L'âme et le pantalon Débraillés Ô ma douceur... Puis le jour moribond Revient de l'horizon Pour battre les buissons les clapiers, Moi je baisse le front Comme un pilleur de troncs Je rentre à la maison Dévoyé. Ô ma douceur, J'ai peur de l'abandon Je rentre à la maison Te choyer. Ô ma douceur Ô mon doux compagnon Mon toutou de salon Je rentre à la maison Je rentre à la maison Je rentre à la maison... Ô ma douceur. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 03. Les Papillons Sans attendre la quille Je sors de ma coquille Désertant la caserne Qui me gouverne Pour flâner dans la rue Avec d'autre recrues Dans nos manteaux d'hiver, Papillons verts. C'est au coeur de la ville La vie civile Que nos soldes sont bues Les bourgeoises enchantées De se désargenter D'aller faire les boutiques Papillons chics... Les papillons... les papillons... Le diable nous emporte Avec les feuilles mortes Au grand bal des fantômes Papillons jaunes Ou dans quelque manège Sous les flocons de neige Angéliques et mouillants, Papillons blancs. La cigarette au bec Je poursuis ma cueillette En regardant descendre Un papillon de cendres Dans l'anonymat D'une salle de cinéma Parmi d'autre poussières En habit de lumière... Les papillons... les papillons... Dire que mes vingt ans J'les passe à tuer l'temps Sans connaître la gloire D'être un seul soir Un as de la voltige Matador de vingt piges Un coquelicot qui bouge, Papillons rouges. Moi c'est grisé d'alcool Que je prends mon envol Dans la rue vers minuit, Papillons gris La Lune les libère Et sous les réverdères Ce sont les noctambules Qui déambulent... Les papillons... les papillons... Parfois parmi le nombre On voit une ombre Qui fait parler ses yeux, Papillons bleus Mais on n'écoute rien On pense à autre chose Quand ses lèvres nous causent, Papillons roses Et parfois on la suit Sous son grand parapluie Mais son prénom nous fuit, Papillons d'nuit Et quand le lendemain Il reste sur la main L'ombre de son parfum Tout un jardin Elle est déjà loin Elle n'est plus qu'un point Et c'est le désespoir Papillons noirs... Car sur le guéridon Griffoné au crayon Il reste un papillon : "Adieu léon". Les papillons... les papillons... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 04. Que L'on Bête Mon oiseau est triste, Rien d'autre n'existe Que sa trapéziste À demi-vêtue. Le loup se muselle Pour sa petite gazelle Et devant chez elle, Un agent le tue. Que l'on est bête Quand on est amoureux Que l'on est bête Mais comme on est heureux. En amour, l'esprit est une enclume Et c'est lourd Quand on est fait de plumes. Mon ours se tient mal Mais c'est pas un animal, Allez, te fait pas la malle S'il empeste les lieux. Il a mis une cravate, La chaussure gauche à droite, Il a les mains moites Et la raie au milieu. Que l'on est bête Quand on est amoureux ... Mon coeur se déclanche Pour une souris blanche, Le chat en vacances, Tous deux nous dansions. Mon coeur sous on linge, Mon coeur fait le singe, J'me creuse les méninges Et ma conclusion C'est qu'on est bête Quand on est amoureux Le poisson frétille, Le ver se tortille, Mais que fait le gorille ? Il enlève la grue. Pour cette créature, Il se range des voitures, Il grimpe sur la toiture Et tombe dans la rue. Que l'on est bête Quand on est amoureux ... Quand l'amour est neuf, Quand il est dans l'oeuf, Il fait un effet de boeuf Et pour une belette Qui me mène en bateau, Je provoque un costaud, J'me bats au couteau Et je prends un coup de tête, Que l'on est bête Quand on est amoureux ... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 05. Moi Qui Me Croyais Un Saint Moi qui me croyais un saint Il m'est apparu Que j'ai un côté malsain Donnant sur la rue. Sous mes lunettes en écaille, Je louche un p'tit peu Du côté de la canaille Timide et honteux. Et du frêle collégien, Je quitte l'emploi, Mes pas dans ceux des vauriens, En marge des lois. Moi qui me croyais un saint Il m'est apparu Que j'ai un côté malsain Donnant sur la rue. Et je troque l'auréole pour une casquette Et les fumées de l'alcool Dans une guinguette. J'vais fêter mes fiançailles Avec le milieu, Loin des beaux quartiers d'Versailles, Dans les mauvais lieux. Je vais jouer au jardin, Oui, mais quelquefois Je mets de l'eau dans mon vin, Je tourne et je bois. J'troque mes lunettes en écaille, Mes lunettes de bleu, Je deviens Jésus-la-Caille, Baron du milieu. Et les filles du collège, Hautaines autrefois, Désormais me font cortège Et jouent avec moi. Moi qui me croyais un saint Il m'est apparu Que j'ai un côté malsain Donnant sur la rue. Sous mes lunettes en écailles, Je louche un p'tit peu Du côté de la canaille Timide et honteux. Mais pour sortir du bottin, C'est moins dangereux D'être doucement cabotin, De rêver un peu. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 06. La Blatte Dans ma chambre d'hôtel Je souffle la chandelle J'entends un petit bruit C'est une blatte Cet hôtel est infect Pourri d'insectes Cette petite blatte-là me gène. Deux heures après minuit La blatte est endormie J'entends un petit bruit C'est une mite. Cet hôtel est infect Pourri d'insectes Cette petite mite là me gène. Longue est la nuit À fumer dans mon lit À rallumer la bougie Au moindre bruit. C'est l'auberge espagnole Toutes ces bestioles N'existent que dans ma tête. Longue est la nuit À fumer dans mon lit À rallumer la bougie Au moindre bruit. Puis au petit matin La chandelle s'éteint J'entends un petit bruit On me gratte L'araignée de ta main Fait mon examen Cette petite bête là, je l'aime ... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 07. Pickpocket Dans votre dos, Sans les courbettes, Je fais ma cueillette. Dans votre dos, Pour être honnête, Je suis pickpocket. Quand le métro, Dans un cahot, L'un contre l'autre nous jette, Sous votre nez, J'prends la monnaie Avec mes pincettes. Une belette Escalade mon mur, J'me croyais le coeur au sec. Mais le sucre fait taire Mon caractère de chien, Ma mauvaise tête. Dans un cahot, L'un contre l'autre nous jette, J'repars avec, Dans ma musette, Son parfum de violette. Le cheveux ras, Fait comme un rat, Au fond d'une oubliette, Je nourris mes songes Avec ce mensonge, Avec cette bluette. Je bois, je fume, J'hurle à la Lune Pour ma petite fauvette. J'hurle à la mort Quand je m'endors Sur ma cigarette. J'me rêve en ville, J'me tient tranquille, Assis sur la banquette. Sa main dans la mienne En est la gardienne, La Petite-Roquette Quand le métro, Dans un cahot, L'un contre l'autre nous jette, L'air frais me fouette, J'entends les mouettes Au dessus de nos têtes. Le cheveux ras, Fait comme un rat, Au fond d'une oubliette, Je nourris mes songes Avec ce mensonge, Avec cette bluette. Quand je m'endors, Je suis dehors Depuis belle lurette. Dans le métro, Dans votre dos, Je fais ma cueillette. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 08. Bijou Dans les plis des rideaux Se cachent les assassins, Mais les plis de ton corps Sont plus dangereux encore. Tu me prends par la main, Tu promène mes phalanges Et nous dérangeons les anges Endormis sur ce chemin. Tu t'assois sur mon chapeau, Tu n'écrase pas tes mégots, Tu siffles mon Cognac Et ton rire est démoniaque, Tu viens frapper un grand coup Dans ma vie de hibou Mais pour tes beaux yeux, Bijou, Mon coeur fait le Jacques. Bijou est dans la vis De l'escalier d'service, Elle vient frapper à la porte De ma vie de cloporte. Et même si elle me propose Ce que durent les roses, Je troque mon bouquin Pour le lit à baldaquin. Tu viens chez moi, tu m'enfumes, Tu m'traite de vieux légume, Tu siffles mon Cognac Et ton rire est démoniaque, Tu viens frapper un grand coup Dans ma vie de hibou Mais pour tes beaux yeux, Bijou, Mon coeur fait le Jacques. Bijou est dans la vis De l'escalier d'service, Elle vient frapper : toc, toc, toc, Dans ma vie de cloporte. Dans mon petit lit cage, Tu m'apportes des oranges Avec cette allure étrange Qui fait parler les voisins. Tu mets ton doigt sur l'oeilleton, Tu m'traites de vieux crouton, Tu siffles mon Cognac Et ton rire est démoniaque, Tu viens frapper un grand coup Dans ma vie de hibou Mais pour tes beaux yeux, Bijou, Mon coeur fait le Jacques. Et sous les couvertures, J'alterne les lectures : Un poème d'Edgar Poe Avec celui de ta peau. Cette fois je fais ma prière Et je fume la dernière Aux genoux de mon bourreau En pleurant comme un veau. Tu t'assois sur mon chapeau, Tu n'écrase pas tes mégots, Tu mets le feu à la chambre, Tout est réduit en cendres, De ma vie de hibou, Il ne reste rien du tout Mais pour tes beaux yeux, Bijou, Mon coeur fait le Jacques. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 09. Les Tours D'horloge Depuis ton départ, Lyon est une gare Et moi je suis resté lyonnais. Tu es sur la ligne, Moi à la consigne Avec mes pièces de monnaie. Et les tours d'horloge Me serrent la gorge, Chaque seconde me tue. Sait-on où tu loges ? Quand reviendras-tu ? Comme ces questions sont pointues. Et le long du Rhône, C'est pour yon fantôme Que je laisse pendre ma main. Maudissant ton nom Car, du cabanon, Tu me fais prendre le chemin. Et les tours d'horloge ... Et puis tu reviens Dans mon quotidien, J'apprends pas le carnet du jour Qu'aujourd'hui les cloches Célèbrent tes noces Avec un autre mon amour. Et les tours d'horloge ... Quand d'autres rencontres Dérèlent ma montre, Alors je connais le repos. Mais à chaque fois Que j'ai vent de toi, Je cavale après mon chapeau. Et les tours d'horloge ... -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 10. Où Trouver Des Fleurs Un Lundi Soir Après Minuit ? Comment mon coeur, Où trouver des fleurs Un lundi soir Après minuit ? Je sors sous la flotte, T'en chercher un botte Pour égayer notre maison. Et pour effacer Tout l'mal que j't'ai fait ... Et peu importent les raisons, Comment mon coeur, Où trouver des fleurs Un lundi soir Après minuit ? Quand le coeur traverse Un petite averse, Pour égayer notre réduit, Un bouquet de roses, N'est-ce pas ce qui s'impose Un lundi soir Après minuit? Je sors sous la flotte, T'en chercher un botte Pour égayer notre masure, A l'heure où les durs Sont dans la nature, A l'heure où la rue n'est pas sure. Comment mon coeur, Où trouver des fleurs Un lundi soir Après minuit ? Quand sur le trottoir, Dans l'herbe de la nuit, S'ouvre la fleur noire d'un parapluie, Elle fume sa tige Et donne le vertige Montrant la lune au fond du puit. "Voilà mon mon coeur, Où trouver des fleurs Un lundi soir Après minuit." Et comme ce commerce Est l'seul qui s'exerce, Pour égayer notre réduit, Je rentre chez moi Les yeux cernés de lilas, Ce lundi soir Après minuit. -+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+-+- 11. Je Suis Dev'nue La Bonne Je suis dev'nue la bonne Tout ce mal que j'me donne Pour faire partie des meubles. Jamais un bouquet de roses Comme quand j'étais ta chose, Pas l'amour qui t'aveugle. Une autre est à la mode De caractère commode Me voilà dans l'pétrin. Autant laisser ouverte Sur ma vie de plante verte La porte du jardin... Qu'un beau cambrioleur Vienne cueillir mon coeur Où tu l'as oublié. Pas d'danger que j'pleurniche Sur ma vie de potiche J'me f'rai pas supplier Pour le suivre en silence Avec le chien d'faïence Et le valet muet, Avec le bas de laine, Mon corp long et fluet Roulé dans un tapis J'aurai vite déguerpi. Je forme ce souhait Qu'un beau cambrioleur Vienne cueillir mon coeur Où tu l'as oublié. Je prendrai bien le pli De m'glisser dans son lit Et d'être le jouet D'un amour de bandit, Ca m'donnerait, comme on dit, Un petit coup de fouet Qu'un beau cambrioleur Vienne cueillir mon coeur Où tu l'as oublié... On retrouv'ra aux puces Mon buste de Vénus Posé sur un rayon, Entre une main de Fatma Et un lot d'Panamas Tombé du camion.